Chers lecteurs,
Nos rédacteurs ont pris la (mauvaise ?) habitude d’écrire des séries d’articles. Et si cette nouvelle lettre d’information était l’occasion de les regrouper dans des CNI : Capsules Numériques Informatives ?
Les employés de préfecture - et l’on sait que vous êtes nombreux à nous lire - ne sont pas sans savoir que CNI signifie également Carte Nationale d’Identité. Disons que nos CNI sont les documents officiels d’identification du WebMagazine PrendsTaDose, la preuve IRREVERSIBLE que vous allez prendre votre dose de…. proverbe Libanais, si si, juste ci-dessous :
La gloire du savant est dans ses livres, celle du marchand est dans son coffre-fort.
Ni philosophe ni tradeur, notre gloire est de vous partager, tous les mois, des articles que vous ne lierez nul par ailleurs !
Dans cette CNI, Romain nous amène au Liban, à la rencontre de Ghida et Ali. Voyage des montagnes à la frontière Syrienne jusqu’aux ruelles brûlantes de Beyrouth.
Prenez soin de vous, le monde est fou…
Baudouin et Romain
Portraits de jeunes Libanais, par Romain Mailliu
J’ai vécu 4 mois au Liban, alors en repérage pour le film Youth Visions.
Vous trouverez d’innombrables articles sur ce pays qui passionne autant les amoureux de géopolitique que les jeunes cinéastes. Loin des analyses économiques, politiques, démographiques, qui pointent du doigt cette situation impossible, je prendrai le parti de vous parler du Liban à travers des tranches de vie de ses habitants. Des portraits d’individus qui ont comme points communs leur jeunesse et l’impossibilité de fuir. Des femmes et des hommes à la recherche d’ancrages dans un pays à la dérive.
Ce que je dis dans cet article n’engage que moi et le Liban ne se décrit pas avec exhaustivité à travers quelques rencontres et amitiés naissantes. Il y a des demi-vérités, des faits incomplets, peut-être aussi un peu de fiction. Le risque serait de blesser par mon indélicatesse – à travers des tranches de vies parfois tristes et parfois joyeuses – des femmes et des hommes qui vivent dans ce contexte impossible. Et je m’en remets à la nuance et l’intelligence du lecteur pour m’aider à saisir avec justesse ces deux portraits.
La playlist Spotify à écouter en lisant l’article : Liban
Ghida, les abeilles du Akkar.
Ghida, dans le van qui nous conduit à Sourat.
J’ai rencontré Ghida alors que nous organisions un casting au Liban. Nous cherchions des femmes qui, au-delà d’apparaître dans le film, deviendraient des ambassadrices pour porter la voix des jeunes oubliés.
Nous étions logés à Sourat, à 2 heures de Beyrouth en longeant la côte, dans un ancien orphelinat tenu par des bonnes sœurs. Ce lieu offrait l’espace nécessaire à nos activités ainsi qu’une vue dégagée sur les collines, qui m’évoquaient un paysage de Provence, où l’on aurait remplacé les cigales par les prières orthodoxes de l’église voisine.
Alors que le casting prenait fin, nous devions reconduire nos invitées chez elles. Ghida était ma co-pilote dans le trafic de Tripoli puis sur les routes esquintées du nord du Liban. Elle parlait bien anglais et nous proposa de revenir le week-end suivant pour rencontrer sa famille et visiter son village. Nous l’avions déposée proche d’une station service de la route principale avant de faire demi-tour. Une chanson de Shab Abed grésillait dans les enceintes du van.
Eli, un toit pour sa mère et ses sœurs.
Vue de Beyrouth depuis le toit de mon appartement.
Parfois, quand on ouvre les yeux encore tôt le matin, on a le sentiment que la journée sera longue.
Mars 2023, Beyrouth nous offre une matinée ensoleillée. Avec Mathilde, responsable de la communication de notre film Youth Visions, nous décidons de travailler à la bibliothèque municipale de Geitawi. Elle s’étend le long du jardin jésuite, ce qui en fait un endroit particulièrement agréable et lumineux pour affiner mon budget prévisionnel. Alors que nous franchissons le portail écaillé de l’espace vert, le gardien nous barre la route : notre éden est fermé.
Mathilde est un être de lumière. Elle fait partie de ceux qui décident que la vie est plus agréable dans la joie et s’y tiennent. Là où le commun des mortels aurait pu bougonner, manifester un quelconque mécontentement – ce que je n’ai pas manqué de faire – elle me propose d’en profiter pour aller manger une crêpe. Le pain libanais – pain pita – est souvent cuit sur un poêle en forme de demi-sphère. On peut le marier avec du fromage et du zaatar : le Man’ouché. Nous découvrons une boulangerie où l’on peut déguster sa pita avec du Nutella, ce qui fait figure d’originalité.